• Accession à l'indépendance

    Les négociations tuniso-françaises
    (4 septembre 1954-22 avril 1955)

    Ouvertes le 4 septembre 1954 à Tunis, les négociations tuniso-françaises devaient reprendre à Paris, le 13 du même mois. De sérieuses divergences y sont apparues, concernant le contenu de l'autonomie interne et les délais de passation des pouvoirs.
    Obtempérant aux instructions de la direction du mouvement national, les résistants s'étaient éloignés des villes et des régions côtières du pays, afin d'éviter d'éventuels affrontements. Mais cela n'a pas empêché les forces françaises de continuer à les pourchasser, ce qui a entraîné la poursuite des combats durant les mois d'octobre et de novembre 1954.
    Alors que le gouvernement tunisien réclamait une trêve, le gouvernement français exigeait de la délégation tunisienne aux négociations de persuader les résistants de descendre du maquis et de rendre leurs armes, estimant que la poursuite de la lutte armée était incompatible avec la participation du Parti du Néo-Destour au gouvernement de négociation.
    Cette revendication ayant été satisfaite, le 20 novembre 1954, la voie fut ouverte à la poursuite des pourparlers qui, après s'être heurtés à quelques difficultés, ont fini par dépasser la question des principes pour en venir à celle des échéances. Le 31 janvier 1955, Mendès France rejoint le groupe des négociateurs, pour tenter de parvenir à un résultat décisif avant la tenue de la séance parlementaire qui devait être, consacrée à la discussion de la politique tunisienne du président du Conseil français.
    Mais le gouvernement de Mendès France dût faire face à de violentes critiques de la part de la droite colonialiste (3-5 février), ce qui a provoqué sa chute, le 5 février 1955.
    Après l'accession d'Edgar Faure à la présidence du Conseil, le 23 février, les négociations tuniso-françaises ont repris le 15 mars pour aboutir, le 3 juin 1955, à la signature des accords portant sur l'autonomie interne.

    Les accords

    A la suite de la signature des accords sur l'autonomie interne, la Tunisie a vécu une période de grave sédition, qui s'est déclenchée précisément à propos de ces accords et qui a opposé la direction du mouvement national à l'intérieur du pays et ses représentants à l'étranger, dont notamment le secrétaire général du Néo-Destour, Salah Ben Youssef. Les divergences entre les deux tendances tenaient à ce que la direction interne prenait en considération les conditions de la confrontation avec les forces françaises et la réalité telle qu'elle se présentait sur le terrain, ainsi que l'évolution de la politique de la France, tandis que le Secrétaire général du Parti et certains des responsables de ses bureaux à l'étranger évaluaient la situation à la lumière de l'émergence du mouvement afro-asiatique, de l'apparition du pôle nassérien et de l'intérêt accru suscité, dans le monde arabe, pour la cause tunisienne.
    Dans une confrontation sans merci, les partisans de Bourguiba et ceux de Ben Youssef, les " bourguibistes " et les " youssefistes " multipliaient, chaque partie de son côté, les meetings populaires pour dénoncer et battre en brèche la position de la partie adverse.
    Réuni le 8 octobre 1955, sous la présidence du leader Habib Bourguiba, le Bureau Politique du Néo-Destour décide de tenir le congrès du Parti le 15 novembre, de démettre Salah Ben Youssef du Secrétariat Général et de l'exclure du Parti.
    Le Congrès du Parti, tenu du 15 au 19 novembre, à Sfax, devait trancher le conflit en faveur du Bureau Politique.
    Cérémonie de signature du traité de l'indépendance le 20 mars 1956, par Tahar Ben Ammar, Premier ministre tunisien et Edger Faure, président du
    Conseil français échangent les documents de traité.
    Mais Ben Youssef continua à faire campagne dans le Sud où il organisa, fin novembre, un certain nombre de réunions qui donnèrent lieu à des affrontements avec les partisans du Bureau Politique. Dès lors, le différend déborda le cadre purement politique pour se transformer en confrontation armée.
    Ayant eu connaissance de la résolution prise par le gouvernement tunisien de le mettre en état d'arrestation, Salah Ben Youssef prit le chemin de l'exil le 28 janvier 1956 et poursuivit, à partir de l'étranger et notamment de l'Egypte, son opposition farouche aux accords de l'autonomie interne, que ses partisans et lui-même qualifiaient de "pas en arrière".

    La proclamation de l'indépendance totale (20 mars 1956)

    Au contraire de la prise de position des "youssefistes", le congrès de Sfax a considéré que les accords tuniso-français sur l'autonomie interne constituaient "une étape importante sur la voie de l'indépendance" qui représentait "l'objectif suprême de la lutte du Parti". Objectif qu'il a appelé à réaliser "dans un esprit de libre coopération et dans le sens de l'évolution historique".
    Les conditions se trouvant réunies pour revendiquer la reconnaissance de l'indépendance de la Tunisie, Habib Bourguiba se rendit, à cette fin, en France où il rencontra, le 3 février 1956, Guy Mollet, alors secrétaire général du Parti socialiste français, qui venait d'accéder à la présidence du Conseil (le 31 janvier 1956). Il a été convenu d'envoyer une délégation pour négocier les revendications tunisiennes et, effectivement, les négociations furent entamées le 29 février et, après 18 jours de tergiversations du côté français, un accord est intervenu le 20 mars 1956. Consacrant la reconnaissance, par la France, de l'indépendance de la Tunisie, l'accord impliquait, notamment, "l'exercice par la Tunisie de ses responsabilités dans les domaines des affaires étrangères, de la sécurité, de la défense et de la constitution d'une armée nationale tunisienne".


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  • Pour un Parlement tunisien

    Outre les dirigeants du Parti, les militants, le mouvement scout tunisien, les organisations de jeunesse se joignirent à cette manifestation où l'on voyait partout brandies des pancartes appelant à la création d'un " Parlement tunisien ".
    Devant la Résidence Générale où s'était massée une foule de 10.000 personnes, Ali Belhouane harangua les manifestants en ces termes : " Nous sommes venus aujourd'hui démontrer notre force... Celle de la jeunesse qui ébranlera le colonialisme... Le Parlement tunisien ne sera créé que par le martyre des militants et les sacrifices de la jeunesse.... ". Pour la première fois la femme tunisienne prit part à cette imposante manifestation .
    Avant la dispersion des manifestants, Mongi Slim rappela, dans un discours, les revendications du Parti et annonça l'organisation d'une deuxième manifestation pour le 10 avril 1938. Entre-temps, Ali Belhouane fut convoqué par le juge d'instruction, le 9 avril 1938. Une foule immense se rassembla devant le Palais de justice. Les forces de l'ordre accoururent et sans crier gare, commencèrent à tirer en l'air dans le but de semer la terreur parmi les manifestants. Des heurts sanglants éclatèrent ensuite et se soldèrent par 22 morts et près de 150 blessés.
    Le Résident Général se rendit auprès du Bey et promulgua une loi instaurant l'état de siège, à Tunis, Sousse et dans le Cap-Bon. Le lendemain, Habib Bourguiba et Mongi Slim furent arrêtés et traduits avec le reste des dirigeants du Néo-Destour devant le tribunal militaire pour complot contre la sûreté de l'Etat. Le Néo-Destour fut dissout le 12 avril 1938, ses locaux fermés et ses documents confisqués. Toute la presse nationaliste a été suspendue. Les militants du Néo-Destour entrèrent dans la clandestinité.

    Un temps fort du mouvement national (1942-1943)

    Portrait officiel de Moncef Bey
    L'accession de Moncef Bey au trône, le 19 juin 1942, a constitué un appui important pour le Mouvement national d'autant plus que ce monarque était connu, depuis sa jeunesse, pour sa sympathie envers le Néo-Destour. Il a, dès le départ, fait montre d'esprit de réforme et a présenté un mémorandum, en 16 points, réclamant, entre autres, la création d'un Conseil consultatif tunisien, la libération des prisonniers politiques, l'abrogation du décret de 1898 autorisant les colons à prendre possession des terres habous.
    En dépit de la propagande italo-allemande, Moncef Bey resta neutre, rejeta l'ordre du gouvernement de Vichy de s'opposer aux alliés et fit part de sa décision au Président américain Roosevelt et au Conseiller de Hitler (le 12 novembre 1942). Habib Bourguiba, de son côté et depuis sa prison à Fort Saint Nicolas à Marseille a mis en garde les militants du Néo-Destour (Lettre adressée à Habib Thameur, le 8 août 1942) contre la propagande nazie et leur a enjoint de prendre attache, sans délai, avec les partisans du Général De Gaulle.
    Après l'élargissement des dirigeants du Parti de la prison militaire en décembre 1942, Moncef Bey, faisant fi des prérogatives des autorités du Protectorat, annonça la constitution d'un gouvernement national le 1er janvier 1943, comprenant des personnalités de premier plan comme M'Hamed Chenik, Mahmoud Materi, Salah Farhat, Mohamed Aziz Jellouli. Le journal " Ifriqya El-Fatat " qui venait de paraître a publié, dans son premier numéro de janvier 1943, à la "une", les portraits de Moncef Bey et de Habib Bourguiba. Libérés des prisons françaises, à l'exception de Bourguiba, les dirigeants du Néo-Destour regagnèrent la terre natale le 25 février 1943.




    Stratégie du Néo-Destour (1946)

    Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Néo-Destour adopta une politique pragmatique, fondée sur l'action par étape.
    Depuis le départ de Bourguiba au Caire, en mars 1945, le Bureau Politique, sous la direction de son Secrétaire Général, Salah Ben Youssef, encouragea la constitution d'organisations professionnelles et de jeunesse. C'est ainsi que l'Union Générale Tunisienne du Travail fut créée en janvier 1946 par le martyr Fahat Hached.
    Le directeur du Parti, Mongi Slim, incita les travailleurs destouriens à démissionner de la Confédération Générale du Travail (CGT) d'obédience communiste. Des réunions conjointes entre Farhat Hached et Mongi Slim avaient lieu régulièrement dans le but de renforcer les rangs et l'action de l'UGTT. Celle-ci enregistra, en 1946, plus de 12.000 adhérents.
    Le 9 juin de cette même année, Rachid Driss et ses compagnons exilés en Espagne avaient rejoint Habib Bourguiba au Caire où ils ont constitué le Bureau du Néo-Destour.
    L'idée de la bataille décisive commençait à faire du chemin. Le 23 août 1946 se tint à Tunis le congrès de la " Nuit du Destin " auquel prirent part toutes les composantes du Mouvement national.
    La revendication de l'indépendance totale fut pour la première fois proclamée.
    Les autorités du Protectorat arrêtèrent 46 délégués parmi les 300 que comptait le congrès. Salah Ben Youssef, Mongi Slim,, Salah Farhat, Cheikh Fadhel Ben Achour figuraient à la tête des incarcérés.
    Bourguiba haranguant les patriotes après son retour du Caire
    La réaction des organisations nationales ne se fit pas attendre. Elles organisèrent le 30 août 1946, une grêve, réclamant l'élargissement des détenus. Mais l'annonce par le Général Mast de son programme de réforme amena le Néo-Destour à revenir à une politique modérée, se contentant de ne revendiquer que l'autonomie interne (note au gouvernement français en date du 24 novembre 1946).
    Malgré l'inscription par la Ligue Arabe de la question tunisienne à l'ordre du jour de ses travaux, les autorités coloniales se sont entêtées à intégrer les pays du Maghreb Arabe dans l'Union française. Bourguiba s'est employé alors à renforcer les relations du Néo-Destour avec les pays anglo-saxons. Il se rendit, fin novembre 1946 aux Etats-Unis. De son côté, Fahat Hached multiplia les actions destinées à conforter la résistance nationale. Il se rendit en France, le 20 décembre 1946 où il mit en exergue, au siège de l'Association des Etudiants Musulmans d'Afrique du Nord, le rôle de l'UGTT dans la lutte nationale.

    Revendication de l'Indépendance (1947-1949)

    La désignation de Jean Mons au poste de Résident Général en Tunisie (1947-1949) a détendu l'atmosphère dans le pays.
    Résistance et répression
    Libérée de la censure en avril 1947, la presse nationaliste connut un regain d'activité. De nouveaux titres sont apparus. A Paris, le militant Jallouli Farès fit paraître en janvier 1947 avec quelques uns de ses compagnons, un périodique intitulé " La Tunisie vous parle ", destiné aux partis politiques français.
    La Résidence Générale entreprit quelques réformes : création d'un ministère tunisien de l'Agriculture, d'un autre pour l'Industrie et le Commerce, élargissement des prérogatives du Premier ministre. Mais ces réformes n'ont pas emporté l'adhésion des nationalistes, d'autant plus que la désignation de Mustapha Kaâk au poste de Premier ministre ne pouvait que jeter de l'huile sur la braise.
    Le 5 août 1947, l'UGTT lança une grêve à Sfax qui se solda par des heurts sanglants, faisant 29 morts et 150 blessés parmi les grévistes.
    Au Caire, la Ligue des Etats Arabes a contribué au renforcement des relations inter maghrébines. Le " Congrès du Maghreb Arabe " tenu du 15 au 22 février 1947 sous la présidence du Secrétaire Général de la Ligue Arabe a adopté plusieurs motions dont la plupart mettaient l'accent sur la revendication de l'indépendance et l'évacuation des troupes étrangères.

    Le Néo-Destour reprend les choses en main (1948-1949)

    Le Néo-Destour retrouva son rayonnement et sa place prépondérante dans le mouvement national. Deux hebdomadaires lui servaient de porte voie : " El Hourria ", en langue arabe dont le premier numéro parut le 28 février 1948 et " Mission " en version française publié le 25 avril 1948 et dirigé par Hédi Nouira.
    Par ailleurs, la guerre en Palestine, ne laissa pas les militants nationalistes sans réaction. Ils constituaient une " commission de défense de la Palestine arabe " (fin 1947).
    Des volontaires ont rejoint les lignes du front durant les mois de mars, avril et mai 1948, en passant par l'Egypte. On enregistra 2.230 volontaires. Au Caire, la constitution d'une commission de libération du Maghreb Arabe, en janvier 1948 groupe tous les partis politiques maghrébins. A Paris, Jallouli Farès multipliait les contacts avec les partis politiques, notamment ceux représentés au Parlement français, ainsi que les défenseurs des droits de l'homme.
    Le " Congrès des peuples opprimés " fut créé la même année à Paris. Farhat Hached prit part, dans la capitale française à une réunion organisée par le " Congrès international des peuples colonisés ".
    Le 28 août 1948 Jallouli Farès et Salah Ben Youssef quittèrent Paris pour le Caire pour tenir le leader Bourguiba informé de leurs contacts avec les autorités françaises.
    La mort de Moncef Bey, le 13 septembre 1948 et le rapatriement de sa dépouille, le 6 du même mois plongèrent le peuple, les dirigeants du Parti et les militants dans un immense chagrin. L'UGTT représentée par Farhat Hached lui-même et le Bureau Politique du Néo-Destour organisèrent conjointement ses funérailles mémorables.
    Le 17 octobre 1948, le Néo-Destour tint son congrès périodique à Dar Slim. Salah Ben Youssef fut élu officiellement Secrétaire Général tandis que Habib Bourguiba fut porté à la présidence du Parti. Habib Thameur et Mongi Slim furent désignés respectivement Vice-président et Directeur du Néo-Destour.
    Le 8 septembre 1949, Bourguiba regagna la terre natale. Dès son retour, il entreprit de mettre au point une nouvelle stratégie. Sur le plan intérieur, des préparatifs étaient engagés en vue de la bataille décisive. Sur le plan extérieur, le Parti renforça sa présence au Caire et à Bagdad (Ali Belhouane), à Damas (Youssef Rouissi), en Turquie (Sadok Joumni), à Washington (Abed Bouhafa et Bahi Ladgham), à Londres (Dr. Tahar Khémiri), à Rome (Hédi Majdoub), à New Delhi et Karachi (Rachid Driss et Taïeb Slim).
    Dès la création, en décembre 1949 de la Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL), l'UGTT, sous l'impulsion de Farhat Hached se retira de la Fédération Syndicale Mondiale (FSM) d'obédience communiste et adhéra à la CISL, représentant le monde libre.
    Le Néo-Destour renforça son appui aux forces vives de la nation et aux organisations nationales comme l'Union Tunisienne de l'Industrie et du Commerce (avril 1949), l'Union Générale de l'Agriculture Tunisienne (mai 1949).
    La confrontation nationaliste (décembre 1952-septembre 1953)
    Alors que la Commission politique des Nations Unies se penchait sur le dossier de la cause tunisienne, les autorités colonialistes françaises n'ont trouvé rien de mieux que de faire procéder à l'assassinat du leader syndicaliste, Farhat Hached (5 décembre 1952), par l'entremise des extrémistes de la "Main Rouge", l'organisation terroriste de triste mémoire.

    Ce meurtre ignoble, qui faisait fi de toutes les règles et normes de conduite internationale et constituait une grave escalade de la politique de durcissement, de répression et de tyrannie menée par la Résidence Générale et ses alliés, n'a fait que galvaniser la résistance populaire qui a ainsi connu un tournant décisif. La lutte armée s'est intensifiée, menaçant sérieusement la " sécurité coloniale ", poursuivant partout les colonialistes et leurs collaborateurs et livrant de rudes combats aux forces militaires françaises.


    1- Assassinat du leader syndicaliste Farhat Hached le 5 décembre 1952 par la " Main rouge ".
    2- La voiture de marque " Vedette " criblée de ballon du leader assassiné Frahat
    3- Funérailles du leader assassiné syndicaliste Frahat Hachad
    Dans une tentative de dépasser les critiques dirigées contre sa politique à l'égard de la Tunisie, le gouvernement français a procédé à la réouverture du dossier des réformes qui avaient été rejetées parce que ne répondant pas aux revendications du peuple tunisien, en ce sens qu'elles consacraient le concept de "co-souveraineté". Il décide d'organiser des élections de conseils de travailleurs à partir du 10 avril 1953 et des élections municipales à compter du 3 mai de la même année, sans qu'aucune attention ne fût accordée à l'opposition des Tunisiens. Mais en dépit des campagnes d'arrestations, le mouvement nationaliste est parvenu à faire échec à la parodie électorale.
    La mise en échec de la politique de pacification
    Le 2 septembre 1953, le gouvernement français désigne un nouveau résident général, dans une tentative visant à persuader l'opinion publique internationale de l'adoption, par la France, d'une nouvelle politique en Tunisie dont la cause était en cours de discussion aux Nations Unies, en même temps que celle du Maroc. Au bout d'un mois de débat, l'organisation onusienne n'a pas réussi à adopter une résolution en faveur de la Tunisie, à la majorité des deux tiers de ses membres.
    Résistance et répression lors de la bataille décisive (1952-1956)
    Le gouvernement français prit un ensemble de mesures, dans le cadre de ce qu'il appelait alors la politique de pacification. Il s'agissait, notamment, de la restitution de l'autorité sécuritaire à la police, de la suppression de la censure et des dispositions coercitives en vigueur dans le Sahel (28 octobre 1953) et de la remise en liberté d'un certain nombre de détenus et de déportés.
    Cette période, marquée par une politique coloniale de louvoiement, a connu effectivement un certain apaisement au niveau de la lutte de libération. Cependant, le mouvement national n'a pas tardé à saisir la portée réelle du projet des autorités françaises qui, en fin de compte, devait mener à l'impasse dès lors qu'il ignorait les revendications du peuple tunisien, en particulier celle concernant le recouvrement de sa souveraineté. Aussitôt, la lutte reprit de plus belle et les opérations de résistance s'intensifièrent en juin 1954, semant la terreur parmi les colons. Certains d'entre eux, voyant la présence coloniale, de même que leurs activités et leurs intérêts en tant que groupe privilégié, sérieusement menacés et entravés, se montrèrent disposés à reconnaître la réalité, tandis que les ultras parmi ces colons faisaient preuve d'intransigeance dans la défense de leurs privilèges.
    Mais la défaite des troupes françaises à Dien Bien Phu (guerre d'Indochine), le 7 mai 1954, changea le cours des événements et renforça, en France, les tendances politiques libérales et modératrices. Le 12 juin 1954, le gouvernement de Joseph Laniel est tombé.

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  • Du protectorat à la Résistance
    Signature du traité du Bardo, le 18 mai 1881
    La révolution industrielle en Europe, les besoins accrus en matières premières et la recherche de débouchés pour les produits finis ont été à l'origine de l'expansion coloniale européenne en Afrique, et en Asie notamment.
    La Tunisie, encaissée entre l'Algérie à l'Ouest , devenue depuis 1830 colonie française et la Libye au Sud-Est, convoitée par l'Italie, était en ligne de mire. On n'attendait que le bon prétexte pour l'occuper. Celui-ci fut offert sur un plateau à l'envahisseur.
    La faiblesse des beys, les intrigues de leurs ministres, tels Mustapha Khaznadar et Mustapha Ben Smaïl, la pression constante des Consuls européens, la banqueroute de l'Etat, devenu otage de ses créanciers malgré les efforts du réformateur et patriote Kheireddine Pacha, ouvrirent toutes grandes les portes à l'occupation étrangère le 12 mai 1881 par la conclusion du Traité du Bardo, sous le règne de Mohamed Sadok Bey. Deux ans plus tard, les conventions de La Marsa , conclues le 5 juin 1883, vidèrent le Traité du Bardo de son contenu et dépouillèrent le Bey de toute autorité. C'est l'administration directe qui s'installe et qui fait des Tunisiens, des étrangers, dans leur propre pays.
    La résistance à l'occupant débuta dès 1881, à travers toutes les régions du pays et se poursuivit sous diverses formes politiques et culturelles jusqu'à l'indépendance.

    Le Mouvement National

    Manifestations des 8 et 9 avril 1938
    Le mouvement national tunisien puise ses principes dans l'action réformatrice apparue durant la seconde moitié du XIXe siècle et qui s'était illustrée notamment par les initiatives hardies entreprises par Khereddine Ettounsi, plus connu sous le nom de Khereddine Pacha. Cet esprit réformiste, moderniste, sera relayé par d'autres personnalités nationales jusqu'à nos jours. Il n'a pas d'égal dans d'autres régions, que ce soit dans le monde arabe ou en Afrique.
    Le mouvement " Jeunes Tunisiens "
    Ali Bach Hamba, leader du " Mouvement Jeunes tunisiens "
    Les protestations timides des Tunisiens, devenus autochtones chez eux, se poursuivirent de 1881 jusqu'à la première Guerre mondiale et revêtirent diverses formes comme la revendication de l'enseignement pour les nationaux formulée par le "Mouvement Jeunes Tunisiens" de 1906 à 1911 sous la houlette de Béchir Sfar et Ali Bach Hamba, ou l'opposition au déplacement du cimetière musulman du Jellaz (1911) et les incidents sanglants qui s'en suivirent, plus connus par les émeutes du "Tramway".

    Le contact direct : devise du Parti


    Maître Habib Bourguiba
    Désormais, c'est le contact direct avec le peuple qui devenait la règle de conduite des nouveaux dirigeants politiques. Les autorités du protectorat avaient laissé faire au début, espérant tirer profit de la division du Vieux et du Néo-Destour. Mais lorsqu'éclatèrent des heurts sanglants, dans les villages du Sahel notamment, elles s'empressèrent d'exiler les chefs du Néo-Destour à Borj le Bœuf (aujourd'hui Borj Bourguiba), en plein désert. Ceux-ci restèrent sourds aux appels du pied du Résident Peyrouton leur promettant la liberté en contrepartie de leur renoncement définitif à toute action politique. L'accès au pouvoir en France du Front Populaire (1935-1937) et sa volonté d'engager le dialogue avec les chefs nationalistes permirent le retour des exilés.
    Une lueur d'espoir
    Un vent d'espoir se leva en Tunisie. Pierre Viennot, Sous-Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères s'y rendit le 1er mars 1937 et évoqua la possibilité d'accorder aux Tunisiens une certaine forme d'autonomie interne.
    Le Néo-Destour accorda le préjugé favorable aux nouvelles autorités de la Métropole. Entre-temps, Cheikh Abdelaziz Thaâlbi, fondateur du " Vieux Destour " rentra au pays, après un exil volontaire. Le Néo-Destour lui réserva un accueil triomphal pour marquer l'union sacrée autour de la cause nationale.
    Dès le retour de Pierre Viennot en France, la Résidence Générale durcit sa politique de répression, notamment dans les régions minières, à Métlaoui, à Gafsa et à Jerissa où tombèrent en martyrs nombre d'ouvriers tunisiens.
    La chute du " Front populaire " en France et le durcissement de la politique de la Résidence Générale en Tunisie amenèrent le Néo-Destour à retirer sa confiance au gouvernement français.
    Le Bureau Politique du parti appela à une grève générale le 20 novembre 1937. Ce durcissement du Néo-Destour auquel ne s'était pas rallié le Dr Mahmoud Materi l'amena à présenter sa démission le 13 janvier 1938.
    Des manifestations populaires éclatèrent un peu partout dans le pays et notamment à Bizerte, suite à l'éloignement du militant Hassan Nouri. Elles firent plusieurs morts et blessés dans les rangs des manifestants. Des arrestations eurent lieu parmi lesquelles celle de Habib Bougatfa, président de la Fédération du Néo-Destour de Bizerte.
    La démission du Dr. Materi n'a, en rien, entamé la détermination du Bureau Politique du Néo-Destour de mobiliser les masses populaires face à l'escalade de la répression des autorités du Protectorat. Les étudiants de la Grande Mosquée de la Zitouna furent incités à faire grève. 108 furent renvoyés, 88 Tunisiens et 20 Algériens, au cours des années 1936-1937 pour activités au sein du Parti, formation de comités estudiantins liés au Néo-Destour et d'associations illégales. Ainsi, la jeunesse devint le fer de lance du Mouvement National. Le 10 mars 1938, Ali Belhaouane que l'on surnommera le "leader de la jeunesse" donna une brillante conférence sur le "rôle de la jeunesse dans la bataille de libération nationale".
    700 élèves de differents établissements scolaires y assistèrent. Le Conseil National du Néo-Destour, réuni les 13 et 14 mars 1938 adopta une motion appelant à la poursuite des manifestations dans toutes les régions du pays, au non-paiement des impôts et au boycott du service militaire. Ali Belhouane fut congédié du Collège Sadiki où il professait.

    Le Néo-Destour établit un calendrier des réunions de propagande que les membres du Bureau Politique devaient présider. Ayant eu vent de ces activités, les autorités du Protectorat anticipèrent le mouvement en procédant à l'arrestation de Youssef Rouissi, Hédi Nouira, Salah Ben Youssef et Slimane Ben Slimane, accusés d'incitation à la haine raciale et d'atteinte aux intérêts de la France en Tunisie. Le Néo-Destour organisa le 7 avril 1938 une manifestation de protestation groupant 2.500 personnes, devant le palais beylical de Hammam-Lif. Mongi Slim, membre du Conseil National du Parti put rencontrer le Bey et solliciter son intervention en vue d'obtenir l'élargissement des responsables du Parti emprisonnés. Ne voyant rien venir, le Néo-Destour a décidé d'appeler à une grève générale le 8 avril 1938. Le même jour, une grande manifestation conduite par Mongi Slim et Ali Belhouane s'ébranla de Halfaouine, du centre de la Médina, emprunta les principales artères de la capitale, se dirigeant vers la Résidence Générale.

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